"Les grands voyages ont ceci de merveilleux que leur enchantement commence avant le départ même. On ouvre les atlas, on rêve sur les cartes. On répète les noms magnifiques des villes inconnues"
Joseph Kessel
Ithaque
(Constantin Cavafy)
Un cheminement de plusieurs semaines sans encombre demande une petite préparation physique, mentale et matérielle pour surmonter les défis et de savourer chaque instant d'une aventure inoubliable, étant fait observer que l'expérience permet d'adapter progressivement sa pratique
Choix de l'itinéraire
Le premier pas dans la préparation est de choisir l'itinéraire. Il existe plusieurs chemins menant à Compostelle, chacun offrant des paysages, des défis et des expériences singulières. Le choix dépend des goûts, de la condition physique, du temps dont on dispose, des ressources car ce voyage coûte tout de même, de l'expérience et des voies empruntées (hébergements, ravitaillements, géographie, climats…).
En France, selon le "Guide du Pèlerin" d'Aimery Picaud, moine poitevin du XIIe siècle, auraient existé quatre chemins de Saint-Jacques. «Il y a quatre routes qui, menant à Saint Jacques, se réunissent en une seule à Puente la Reina, en territoire espagnol. L'une passe par Saint Gilles du Gard, Montpellier, Toulouse et le Somport. La route qui passe par Sainte Foy de Conques, celle qui traverse Saint Léonard en Limousin et celle qui passe par Saint Martin de Tours se réunissent auprès d'Ostabat, et après avoir franchi le col de Cize elle rejoignent à Puente la Reina celle qui traverse le Somport. De là, un seul chemin conduit à Saint Jacques.»
En réalité, les pèlerins empruntaient les voies les moins incommodes, souvent de sanctuaire en sanctuaire.
L'Agence française des chemins de Compostelle présente les itinéraires contemporains en France les plus connus, ainsi qu'un livret incitatif plus généraliste. La fédération des associations espagnoles présente non seulement les chemins de la péninsule ibérique, mais également tout un réseau des chemins en Europe, avec la possibilité de télécharger les traces GPX.
Et il y a bien évidemment l'itinéraire présenté ici même.
Condition physique et santé
Marcher des centaines de kilomètres nécessite une certaine condition physique, mais sans être athlète, toute personne peut cheminer à la mesure de sa détermination. On peut conseiller de commencer un programme d'entraînement plusieurs mois avant le départ fait de randonnées régulières, en augmentant progressivement la distance et le poids du sac à dos, et de consulter un médecin et un podologue pour s'assurer de son aptitude médicale pour accomplir ce voyage.
Une fois parti, il est conseillé de boire beaucoup d'eau en chemin, mais également le soir pour éviter crampes et tendinites, quand bien même un proverbe détourné prétendrait que "vin rouge le soir et vin blanc le matin ravissent le pèlerin".
Équipement et vêtements
Un équipement adéquat est essentiel :
Un sac à dos de bonne qualité avec ceinture pour le maintien sur les hanches, et une sangle de poitrine. Pour porter le sac une fois rempli, détendre les bretelles et la ceinture, mettre le sac sur le dos pour qu'il repose bien sur les hanches et dans l'ordre : attacher et serrer sans excès la ceinture du sac, tendre sans excès les bretelles, boucler et tendre sans excès la sangle de poitrine, puis éventuellement ajuster le tout. Vous devez rester libre de vos mouvements et pouvoir respirer sans gêne, tout en évitant au sac de "ballotter". Au besoin sautiller un peu pour apprécier le résultat.
Le sac doit être léger et confortable (pas plus de 50 litres, moins de 1 kg à vide de préférence). Il ne doit contenir que l'essentiel, mais penser qu'en outre il devra contenir des provisions en chemin.
Des chaussures de marche plutôt souples (éviter des chaussures pour la montagne), un peu rodées et d'au moins une pointure au dessus de celle de votre pied. Pour améliorer le confort de marche, mettre des semelles ou talonnettes en matière absorbante de choc. Si les chaussures sont humides en arrivant au gîte (transpiration, pluie...), les bourrer avec du papier journal pour absorber l'humidité. Prévoir des chaussures légères pour le gite ou le bivouac (genre sandales "crocs")
Vêtements : privilégier les vêtements légers respirants et à séchage rapide, une veste imperméable et respirante, un chapeau couvrant la nuque, contre la pluie et le soleil. Une des corvées quasi quotidienne est le lavage du linge (savon de Marseille); il est plutôt conseillé d'emporter un rechange (haut, pantalon), une polaire légère, et trois paires de chaussettes de marche. Bien sûr, pour un départ ou une arrivée en mauvaise saison, il faut étoffer l'emport par des sous-vêtements thermiques par exemple.
une lampe frontale légère
Sac de couchage : le plus léger possible et adapté à la saison. Un sac "à viande" plus léger peut le remplacer si l'on est certain de trouver des couvertures ou du chauffage dans les hébergements.
Bâton(s) de marche (2 de préférence): ils soulagent les articulations et aident à maintenir l'équilibre dans les passages difficiles (boue…).
un couteau léger genre opinel et un couvert ("spork"), un petit nécessaire à couture de voyage, une trousse sommaire de premier secours (vos médicaments habituels et indispensables, pansements, désinfectant cutané genre bétadine, antidiarrhéique, anti fièvre...), avec les numéros d'urgence. Des bouchons d'oreille pour ne pas entendre les bruits de la nuit (ronflements...)
La gourde peut être remplacée par une bouteille en plastique plus légère à renouveler périodiquement
Un sac filet pour remiser le linge humide ou sale sur le sac.
Protéger dans le sac le stock de cartes topographiques dans un sachet "ziplock" au format A4. Rangez la ou les cartes du jour dans un porte-carte étanche.
Hébergement et planification des étapes
Les chemins les plus empruntés sont parsemés de gîtes, auberges et hôtels offrant un hébergement aux pèlerins. A présent, beaucoup de personnes réservent, surtout en haute saison. Mais trop prévoir conduit à la routine et à l'enfermement dans une bulle.
Les étapes sont à planifier en fonction du rythme de marche et des points de ravitaillement. La préparation comprend la connaissance des distances entre les étapes et les lieux de repos. Il faut savoir parfois s'écarter du planning en écourtant ou en allongeant les étapes selon les circonstances, notamment pour ne pas passer à côté de rencontres ou de lieux remarquables.
Préparation mentale et spirituelle
Le pèlerinage de Saint Jacques est un défi physique, moral, et une aventure spirituelle quelles que soient les convictions philosophiques du pèlerin. Prendre le temps de lire ou d'écouter des témoignages, de peser ses motivations et ses attentes, tout en sachant qu'un tel cheminement est un temps de transformation et d'approfondissement, un voyage initiatique où le voyageur se débarrasse de ce qui encombre inutilement sa vie.
Administration et sécurité
Avant de partir, s'assurer d'avoir tous les documents nécessaires : crédencial, carte d'identité ou passeport, carte vitale en France et carte européenne d'assurance maladie en Espagne, assurance voyage notamment pour les frais de recherche et de rapatriement. Informer ses proches de l'itinéraire et des dates de départ et probable de retour.
Garder précieusement sur soi ses papiers personnels, ses moyens de paiement et son crédential. Les "coquillards" sont malheureusement parfois également sur le chemin.
Budget et dépenses
Planifier le budget en tenant compte des coûts de transport au point de départ et du point d'arrivée, de l'hébergement, de la nourriture, et prévoir une réserve pour les imprévus. A titre de repère, on peut compter 2 à 3€ par kilomètre, sans faire d'excès.
Des informations plus détaillées peuvent être trouvées ici.
En tout cas, sachez accepter une main tendue et à votre tour venir en aide. Vous découvrirez que le Chemin de Compostelle est un beau chemin d'humanité.
"Quand le pèlerin a longtemps marché, admiré, humé, aimé, écouté, goûté, réfléchi, pensé, chanté, douté, prié, vidé sa tête du fatras de certitudes, d’habitudes, de vent, de futilités, d’inutilités, il est enfin libre, heureux, disponible, avide d’être en communion, en résonance avec la nature. S’il a le bonheur d’y parvenir, le vieil arbre de la connaissance vacille, se déracine lentement, s’écroule, s’évanouit, disparaît…
A sa place, grandit le nouvel arbre de vie, magnifique, immense, ses ramures griffant les nuages, générant une félicité indicible, semblable à celle du paradis perdu.
La grâce vient quelquefois cogner sur la caboche du pèlerin mécréant, comme parfois, une étoile vient danser sur une flaque d’eau croupie.
A genoux sur le sol d’une église romane perdue dans la campagne, le pèlerin est heureux, il est chez un ami.
Sur le chemin la pluie n’est rien, la boue n’est rien, le froid n’est rien, le corps n’est rien… rien de rien; mais marcher en pensée avec l’Invisible, est un bonheur infini, peut être comme le bonheur qu’auraient connu les pèlerins d’Emmaüs.
Heureux le pèlerin ayant une bonne base arrière, une épouse en communion de pensée, en complicité d’amour.
Les joies du chemin : des centaines de "Buen viage, buen Camino, No por ahi, por aqui !", un sourire, un signe, un verre d’eau, de vin ou de cidre, des milliers de "Ola !", les retrouvailles du pèlerin perdu, la belle rencontre d’avec une marcheuse inconnue, un soleil de feu brisant une vilaine petite pluie fine, la longue caresse des yeux sur la nature en beauté, la découverte d’une fontaine fraîche par le marcheur assoiffé, et de bon matin, quand le soleil a basculé par-dessus la montagne et inonde le plateau d’une clarté rosée, la surprise de voir la gelée blanche sur l’herbe rare se fondre en perle d’argent.
J’ai rencontré des gens d’une bonté plus qu’humaine : pourquoi cet inconnu m’a-t-il ôté mes chaussures et soigné mes pieds meurtris… sans un mot, pourquoi cette très vieille dame, a-t-elle cheminé un moment avec moi, vers le col du Cebreiro, sous une tempête de neige; pourquoi Maria-Luz et son époux Peter ont ils quitté une retraite paisible en Hollande pour une grange à Eunatte, là où ils se mettent bénévolement au service du pèlerin en difficulté; pourquoi le señor Thomas de Manjarin, les soirs de brume, de neige ou de brouillard fait-il tinter la cloche du refuge pour signaler le chemin au pèlerin égaré dans la montagne ?
Pourquoi…. pourquoi ? À chacun sa réponse.
Le Camino de Santiago qui a vu passer pendant plus de mille ans des milliers de marcheurs, des gueux comme des rois, des moinillons comme des vieux papes, des pèlerins de tous pays, est tellement chargé de lumières qu’à son retour, le pèlerin en restera à jamais ébloui".
Charles Henri Masson
“Aucun effort ne peut aboutir si la divinité en a décidé autrement, mais l'inverse n'est pas vrai; aucune victoire ne peut être obtenue quand les dieux lui sont favorables si l'homme ne va pas, le tout premier, au-devant de leurs désirs”
Jacques Lacarrière